L’intoxication au paracétamol

L’intoxication au paracétamol

Votre chat vous semblait un peu patraque ou fiévreux et vous avez cru bien faire en lui donnant un comprimé ou une petite cuillerée de sirop contenant du paracétamol (Doliprane®, Dafalgan®, Efferalgan®…), issu de votre pharmacie ? Et pourtant, il ne va pas mieux, d’autres symptômes apparaissent ? Vous ignoriez sans doute que cette substance est toxique pour les chats !

D’où vient la toxicité du paracétamol ?

Le paracétamol n’est pas toxique en lui-même : la toxicité est due à l’un de ses produits de dégradation, le N-acétyl-p-benzoquinonéimine (NAPBQI).
Normalement, dans la plupart des espèces animales et chez l’Homme, le paracétamol après son absorption est dégradé en différents composés grâce à un phénomène de « glycuronoconjugaison ». Ces composés, non toxiques, sont ensuite éliminés dans les urines. Or, chez le chat, les capacités de glycuronoconjugaison sont assez limitées (il ne possède pas en quantité suffisante les enzymes nécessaires) ; le paracétamol est alors dégradé en NAPBQI, substance toxique qui s’accumule dans l’organisme.
Dans un premier temps, l’accumulation de N-acétyl-p-benzoquinonéimine provoque la nécrose des cellules hépatiques, puis les stocks des enzymes concernées s’épuisent. Comme ces enzymes servent aussi au métabolisme de l’hémoglobine, leur diminution entraîne un mauvais métabolisme de l’hémoglobine et sa transformation en méthémoglobine.

L’hémoglobine est responsable du transport de l’oxygène dans le sang. La production de méthémoglobine dans les globules rouges empêche ce transport.

Chez le chat, le paracétamol est toxique à partir de 50 à 60 mg/kg. C’est-à-dire qu’un chat de 5 kg s’intoxique en absorbant 250 mg de paracétamol. Or, les plus petits comprimés sont souvent dosés à 500 mg, donc même un demi-comprimé suffit à intoxiquer un chat.

> Chez certains chats plus sensibles, les symptômes peuvent apparaître à des doses aussi faibles que 10 mg/kg.

Quels sont les symptômes ?

Les signes cliniques de l’intoxication apparaissent chez le chat entre 2 et 4 heures après l’ingestion.

Le paracétamol possède une double action de toxicité : sur les cellules hépatiques (nécrose) et sur les cellules sanguines (détournement des capacités sanguines de transporter l’oxygène). On a donc à la fois un empoisonnement et une asphyxie.

Le chat présente une diminution de l’appétit, des vomissements, une salivation excessive, un abattement, une hypothermie, un ictère, quelquefois un œdème (gonflement) de la face et du cou ou des membres antérieurs. Son rythme cardiaque s’accélère. Ses muqueuses buccales prennent une couleur foncée (marron/bleue) assez caractéristique.

Les analyses sanguines montrent une méthémoglobinémie (présence de méthémoglobine dans le sang) et une hémoglobinurie (présence d’hémoglobine dans les urines).

Le sang prend une teinte brun chocolat assez caractéristique.

Si aucun traitement n’est mis en place, ou si le chat présentait déjà une insuffisance hépatique avant d’avoir pris le paracétamol, il peut convulser, puis tomber dans le coma et mourir en 24-48 heures.

Un traitement est-il possible ?

Le traitement de l’intoxication au paracétamol nécessite une visite en urgence et une hospitalisation.
Le vétérinaire traitera l’intoxication de façon générale grâce à :

  • une oxygénothérapie pour soutenir la fonction respiratoire,
  • l’administration d’un vomitif si  le chat est présenté suffisamment tôt (moins de 40 minutes après l’absorption du paracétamol) et/ou de charbon activé pour neutraliser le paracétamol déjà passé dans l’intestin,
  • l’administration d’hémoglobine (sous forme de transfusion de sang ou de perfusion d’une solution synthétique favorisant le transport de l’oxygène).

Il existe pour l’intoxication au paracétamol un antidote spécifique : le N-Acétylcystéïne (précurseur de l’enzyme impliquée dans le métabolisme de l’hémoglobine) administré par voie intra-veineuse ou orale. Pour être efficace, l’antidote doit être administré dans les 8 heures qui suivent l’ingestion de paracétamol.
La méthémoglobinémie sera traitée par l’administration orale d’acide ascorbique (vitamine C) qui favorise la réduction de la méthémoglobine en hémoglobine.

Le chat devra ensuite être suivi régulièrement, car il risque de développer une insuffisance hépatique (une partie de son foie pouvant se nécroser) ou rénale (liée à l’élimination par les urines des composés toxiques).

> La plupart des propriétaires de chat ignorant la toxicité du paracétamol, le chat est malheureusement souvent présenté trop tard en consultation. Si le chat est dans le coma, la mort est quasi-inéluctable. Le pronostic devient favorable si le chat est toujours vivant 3 jours après l’absorption du paracétamol.

Tous les anti-inflammatoires (paracétamol, mais aussi aspirine ou ibuprofène) doivent être administrés avec beaucoup de prudence et jamais en auto-médication chez le chat, cette espèce éliminant très mal cette catégorie de médicaments.