Régulièrement des témoignages sur les réseaux sociaux et des pétitions évoquent la dangerosité des antiparasitaires par voie orale pour chiens et chat (Bravecto et autres), à ce jour rien ne prouve que ces anti-parasitaires puissent être à l’origine de mortalité directe de nos animaux de compagnie.

Le Bravecto, médicament commercialisé par MSD santé animale, dont la substance active est le Fluralaner, est un traitement vétérinaire utilisé pour prévenir les infestations par les tiques et les puces chez les chats et les chiens. En cas de piqûre de tique, ce médicament permet de limiter grandement le risque de transmission de maladies potentiellement graves, voire mortelles si non traitées (piroplasmose, ehrlichiose, anaplasmose). Les piqûres de puces elles provoquent surtout des allergies qui s’expriment par des démangeaisons, des croûtes, des plaies et des pertes de poils.

Le Bravecto est utilisable sous forme de comprimé à mâcher et en spot-on (directement applicable sur la peau de l’animal avec une pipette).

Depuis l’autorisation de mise sur le marché délivrée par l’Agence européenne des médicaments (EMA) en 2014, il est l’objet de nombreuses spéculations concernant sa supposée dangerosité.

Une pétition française, «Tous contre le Bravecto», dans laquelle on trouve des témoignages de propriétaires de chiens, rassemble plus de 50 000 signataires. Une autre, internationale à destination du Parlement Européen, comptabilise plus de 100 000 signatures.

À l’origine de cette pétition du site anti Bravecto isbravectosafe.com, ainsi que des trois groupes Facebook regroupant des dizaines de milliers de membres (en anglais, allemand et néerlandais) se trouvent les mêmes personnes.

Pourquoi tant de suspicions ?

 

Un des sites anti-Bravecto, se basant sur les données de l’agence européenne du médicament de 2017, chiffre à plusieurs milliers le nombre de signalement rapportant des effets secondaires, tout en insistant sur le fait que ces chiffres sont bien en dessous de la réalité.

D’après des informations de l’EMA, depuis son autorisation de mise sur le marché le 11 février 2014, ce sont même, à l’échelle de la planète, 9635 signalements d’effets secondaires qui ont été constatés, dont 2271 décès (au 9 novembre 2018).

 

Une surveillance active

 

Tous les médicaments sont évalués en fonction du rapport bénéfice/risque. Selon l’EMA, l’efficacité du traitement dans la réduction des tiques et des puces surpasse les risques d’effets secondaires les plus fréquents. Lors des essais cliniques de pré-autorisation, réalisés sur 561 chiens, les effets secondaires fréquemment constatés (entre 1 à 10 animaux sur 100) étaient, à hauteur de 1,6%, la diarrhée, les vomissements, l’inappétence et le ptyalisme. Cela reste néanmoins un groupe test relativement faible pour représenter de manière exhaustive la population cible.

Mais les critiques sont surtout basées sur les effets secondaires signalés depuis la mise sur le marché du médicament. En effet, la surveillance d’un médicament se poursuit après sa mise sur le marché selon le principe de la pharmacovigilance. Les vétérinaires mais également les propriétaires envoient leur rapport d’effets secondaires constatés au Centre National de Toxicologie Vétérinaire (CNITV) qui les font ensuite remonter après analyse à l’EMA. À noter que chaque rapport peut faire mention de plusieurs cas d’effets secondaires.

Selon la base de données de l’EMA, l’Union Européenne fait office de bon élève en termes d’analyse de signalements d’effets secondaires. Sur les 3827 rapports, 97% ont été traités. En France, pays recevant le plus grand nombre de signalements, c’est l’Agence Nationale du Médicament Vétérinaire (ANMV) qui s’en charge. Depuis l’autorisation de mise sur le marché en 2014, quasiment tous les signalements ont été évalués. Sur le sol européen, 622 décès ont été signalés sur les 4065 cas rescensés (15,3%).

En 2018, j’avais contacté le CNITV de Lyon ainsi que l’ANMV et leurs conclusions étaient identiques :

  • Compte tenu de la durée d’efficacité de Bravecto (3 mois), on peut imputer une responsabilité au Bravecto dèslors que des troubles surviennent dans les trois mois qui suivent la prise du médicament… sans jamais pouvoir être certain de la responsabilité réelle du médicament. Par exemple dans certains témoignages au sujet d’affections prétendument générées par Bravecto, comment être sûr que l’atteinte n’était pas déjà présente avant la prise du médicament ?
  • Dans les décomptes de cas de pharmacovigilance décrits, la même signification statistique est apportée aux cas relevés par des propriétaires et par des vétérinaires. La majorité des signalements sont considérés comme non concluants ou non classifiables (informations insuffisantes, impossibilité de les vérifier, éléments contradictoires…) Et surtout les (trop) rares cas où des analyses toxicologiques ont été réalisées après le décès d’animaux ont la même représentativité dans la cohorte de cas référencés… Le système de pharmacovigilance actuel a donc des limites.
  • De plus la proportion de cas signalés rapportés au nombre d’unités de traitement vendues ne sont pas plus importantes pour les antiparasitaires en comprimés que pour les pipettes ou les colliers insecticides.

« Ne pas faire de cas isolés une généralisation »

Les pétitions s’arrêtent au nombre de cas décrits en pharmacovigilance en valeur absolue mais ils conviendrait de les rapporter aux nombres d’unités de traitements vendues afin d’avoir une notion de la prévalence des cas. Sachant qu’actuellement Bravecto représente près de 80% du marché de l’antiparasitaire vétérinaire avec plus de 80 millions de doses vendues chaque année dans le monde les 14000 déclarations en pharmacovigilance sont à relativiser.

Il nous paraît primordial de ne pas faire des cas isolés une généralisation :  si on écoute uniquement les rapports individuels avec l’émotion qui y est associée on ne peut plus raisonner en terme médical et le fameux rapport bénéfice/risque.

L’Agence européenne des médicaments (EMA) a publié en août 2017 un communiqué exigeant l’ajout d’une précaution d’emploi pour les chiens avec une épilepsie préexistante, ainsi que sur les risques de convulsions et de léthargie parmi les effets secondaires. Même chose du côté de la Food and Drugs Administration (FDA) aux Etats-Unis qui a en plus averti les vétérinaires et les propriétaires de chiens sur les potentiels risques d’effets secondaires neurologiques dans un article du 20 septembre.

En résumé…

Les détracteurs du Bravecto mettent en avant des témoignages et le nombre de signalements d’effets secondaires. Toutefois, basé sur l’analyse des rapports d’effets secondaires, l’EMA continue d’évaluer la balance bénéfice-risque comme positive. Par ailleurs les signalements ne sont pas toujours fondés et doivent être mis en rapport avec le nombre total de doses vendues. Comme tout médicament, le Bravecto et les autres antiparasitaires systémiques comportent des effets secondaires (diarrhée, vomissements, inappétence). Aujourd’hui en tant que vétérinaires nous ne voyons aucune limite à l’usage de ces médicaments. Comme tout autre médicament nous pronons l’usage raisonné et adapté au contexte épidémiologique. Ainsi il est impératif de présenter votre compagnon régulièrement à votre vétérinaire pour s’assurer qu’il puisse recevoir le traitement le plus adapté à son risque et à son état physiologique.

Dr Bertrand Michaud – Vétérinaire à la Clinique AnimaVet